Venez, plaidons ensemble

 

 

 

C'est pas mon truc !

 

Bob fronce les sourcils en lisant l'affiche collée sur la porte de la boulangerie:

 

Ce soir à 18 heures une réunion pour annoncer l'évangile

aura lieu en plein air sur la place du village.

 

– C'est pas mon truc, ça,  pense Bob en lui-même.

 

Ce soir, en effet, sur la place en face du café central, un petit bonhomme a posé des planches sur deux tréteaux et au-dessus une pancarte annonçant la réunion, surmontée d'un verset biblique. Bientôt des gens arrivent. A l'heure dite, le petit bonhomme monte sur son estrade de planches et s’adresse au groupe de personnes venu pour l'entendre.

 

Mais... où est Bob? Oh, pas bien loin: accoudé au bar du café central, il vide son troisième verre de vin. Puis, l'esprit échauffé par la boisson, il se dirige vers le groupe dominé par le petit homme tenant sa Bible à la main. De sa voix avinée Bob hurle quelques injures dans leur direction.

 

Lorsqu'il n'est plus trop loin de l'évangéliste, il s'arrête.

Je l'ai tué !

 

Avisant alors une motte de terre qui traîne au pied d'un des arbres de la place, il la saisit et l'envoie de toutes ses forces en direction de celui qui parle. Il ne pensait pas si bien viser... La motte vole et atteint le petit homme en pleine poitrine. Celui-ci tombe à la renverse, entraînant dans sa chute sa pancarte, ses tréteaux et ses planches. Des gens crient, on se bouscule. Il n'en faut pas plus à Bob pour retrouver ses esprits : comprenant qu'il vient de commettre quelque chose de grave, il s'enfuit à toutes jambes. Tout en courant, une pensée s'impose à son esprit dégrisé...:

– Je l'ai tué, je l'ai tué !

 

N'osant s'arrêter dans sa course, de peur de se faire prendre, il court jusqu'à en perdre haleine. N'en pouvant plus, il s'arrête et regarde autour de lui. Il remarque alors une grange désaffectée, entourée de hautes herbes dans laquelle il se réfugie. Par une échelle branlante, il grimpe tout en haut sous la charpente, n'ayant qu'un seul espoir :

– Pourvu qu'on ne me trouve pas dans ma cachette !

 

La nuit est venue, sombre, envahissant la grange dans laquelle Bob se terre. S'installant le plus confortablement possible sur du foin qu'il a entassé dans un coin de la grange,  Bob essaye de dormir, mais chaque fois que ses yeux se ferment, il voit l'évangéliste s'affaisser. Cette vision le hante et tenaille sa conscience.

Papier d'emballage

 

Le lendemain matin, c'est un Bob fatigué qui, par la petite fenêtre de la grange, observe la campagne dans le petit matin. Son estomac lui rappelle qu'il y a longtemps qu'il n'a pas mangé. Que faire? Il n'ose s'aventurer à l'extérieur. Soudain, de sa cachette, il aperçoit un enfant qui, son cartable sur le dos, se rend à l'école. 

– Pst, pst, ohé gamin, attrape cette pièce, achète-moi une baguette de pain et des bonbons pour toi avec le reste.

 

Lorsque, quelques instants après, l'enfant pose à l'entrée de la grange un pain doré soigneusement enveloppé dans un morceau de papier imprimé, Bob l'avertit :

– Si tu dis qu'il y a quelqu'un dans cette grange, tu recevras la plus belle correction de ta vie. Tu entends?

 

Lorsque l'enfant est parti, Bob s'empare du pain et commence à le dévorer à belles dents. Mais la journée est longue lorsqu'on n’a rien à faire, sinon de manger un morceau de pain et de tourner en rond dans une vieille grange qui sent le foin et la poussière. Aussi Bob jette-t-il un coup d'œil sur le papier dans lequel le boulanger a emballé son pain. Bob sursaute... en lisant des paroles qui semblent n'être écrites que pour lui:

 

«Tu as mis devant toi nos iniquités, devant la lumière de ta face nos fautes cachées.»

 

Ces mots lui font penser à un tribunal devant lequel il comparaîtrait… On dirait tout ce qu'il a fait et il serait déclaré coupable. Il fronce les sourcils... Ses fautes cachées devant la lumière de sa face ? Bob est venu cacher sa faute ici même, dans l'obscurité de cette grange abandonnée : son geste, l'évangéliste qui s'écroule... Dieu le voit-il donc au fond de son trou, lui et sa terrible faute ? Oh, combien il voudrait pouvoir défaire ce qu'il a fait ! Tout est contre lui: la police qui doit le chercher à l'heure actuelle, mais aussi Dieu lui-même devant qui il ne peut se cacher. La nuit suivante ne lui a apporté qu'un très court repos. Très agité, il se tourne, se réveillant parfois même en sursaut, entendant dans son rêve: « Bob, tu es pris, inutile de te cacher ! »

 

Blanc comme la neige

 

Le lendemain Bob guette le petit garçon:

– Pst, pst! La même chose qu’hier... et n'oublie pas de tenir ta langue.

Son pain englouti, Bob lit ce qui est écrit sur le papier d'emballage:

 

«Venez et plaidons ensemble, dit l'Eternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige.»

 

Oui, c'est bien un tribunal. Il est question de plaider. Mais qui voudrait le défendre ? Il repense à son geste, l'homme qui tombe pour ne plus se relever… Son compte est bon, il est indéfendable. Et pourtant il est écrit: ses péchés deviendront blancs comme la neige.

 

Le lendemain, il ne lui reste qu'une pièce.

– Pst, pst! gamin, la même chose qu’hier.

Cette fois, Bob attend le papier qui enveloppe le pain avec plus d'impatience que le pain lui-même. Lorsque l'enfant s'est acquitté de sa mission, il se penche sur le papier.

 

«Mais Dieu constate son amour à lui envers nous en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous.»

 

Oui, il est coupable ! Oui, il est indéfendable ! Mais justement, Christ est mort pour ceux-là ! Serait-ce aussi pour lui ? Lentement la lumière entre dans son cœur. Bob est sorti de sa grange, la campagne rit dans le soleil du matin. Il refait en sens inverse le chemin qu'il a fait si précipitamment. Il va se livrer à la police. Qu'importe ce qui lui arrivera, il est en règle avec Dieu. Il veut se mettre en règle avec la justice des hommes.

C'est moi qui l'ai tué

 

Arrivant au village, il se dirige vers le poste de police.

– Monsieur le commissaire, c'est moi Bob qui  ai tué l'évangéliste, l'autre soir sur la place.

 

Le policier ouvre des grands yeux.

– L'évangéliste qui est dans la région ? Mais... il n'est pas mort, que je sache. Il est vrai qu'on m'a rapporté un incident l'autre soir, comme quoi il aurait été bousculé et serait tombé de son estrade. Mais après, il s'est relevé tout seul et il a continué à annoncer l'évangile.

 

Bob n'en croit pas ses oreilles. Alors, je suis en règle ? Dehors, Bob sourit au soleil du printemps qui caresse la nature. C'est bon d'être en règle avec les hommes, mais combien plus encore d'être en règle avec Dieu !

 

Et toi, es-tu en règle avec Dieu ? Si tu ne l'es pas, il faut que tu lui avoues tes péchés. Jésus est mort pour toi, pour que tu le connaisses comme ton Sauveur.