Joyeux Noël !
La ville a déjà un petit air de fête. Les passants, les yeux
brillants, vont et viennent, chargés de paquets de toutes sortes et de
toutes couleurs.
Ce soir, c'est Noël et dans les rues illuminées, même les petits
flocons de neige semblent rire et danser là-haut dans la lumière
des réverbères.
Là-bas, sur la place, un gros marchand, derrière sa balance, vend
un peu de tout, aux clients qui se pressent autour de son stand en plein air.
Pourtant, alors que chaque vitrine, chaque fenêtre déverse dans
la rue des flots de lumière, là-haut, tout en haut de la maison
grise, il y a une petite fenêtre sombre qui ne semble pas participer à la
fête. |
 |
 |
Si seulement j'avais une orange !
Nous pourrions peut-être entrer dans la grande maison grise, monter l'escalier
qui grince, et pousser la porte de la pièce à la fenêtre
sombre. Tout est, en effet, sombre dans cette chambre. Seule, sur la table, la
lueur d'une pauvre bougie éclaire confusément les ombres. Devant
la table, une femme est assise, tenant sa tête dans ses mains. Des larmes,
silencieusement, coulent sur ses joues. Non, Anna n'a plus rien, plus rien à donner à ses
enfants qui là-bas dorment encore dans le grand lit. Oh, si elle avait
seulement une orange, ce serait quand même un peu Noël pour ses petits !
Son porte-monnaie est désespérément vide, et Anna n'ose
quand même pas mendier. Ses pensées tristement s'envolent.
Elle se souvient de sa maman. Sa maman lui a dit un jour qu'il y a un Dieu qui écoute
la prière... Non, Anna n'a jamais prié. Pourtant, ce soir-là,
sans bien savoir ce qu'elle fait, elle saisit un morceau de papier sale qui traîne
sur la table et inscrit dessus une prière. Puis, toujours un peu mécaniquement,
elle met sa prière dans son grand couffin d'osier, et la voilà dans
la rue. La lumière, le froid, le mouvement l'étourdissent un peu.
Mais elle marche vers la place, vers l'endroit où le gros marchand, toujours
derrière sa balance, vend sa marchandise. |
On va voir ce qu'elle pèse
Elle prend place dans la file où chacun attend son tour. Plus que deux
personnes devant elle... Plus qu'une... Et la voilà, tremblante, en face
du gros marchand qui la regarde d'un air soupçonneux.
– Dites, Madame, avez-vous de quoi payer ? Car, vous savez, je ne
fais pas crédit.
Anna rougit et balbutie:
– Je n'ai rien, rien qu'une prière.
– Ah, ah, et c'est avec une prière que vous pensiez me payer?
Le marchand rit, les gens rient aussi.
– Allez, donnez-la moi, votre prière, on va bien voir ce qu'elle
pèse !
D'une main tremblante, Anna tend le bout de papier sale sur lequel, tout à l'heure,
elle a écrit toute sa détresse. Le marchand a l'intention de bien
s'amuser. |
 |
 |
Quand même plus lourde
Il a mis la prière dans un des plateaux de sa balance et dans l'autre
il pose une feuille de salade. La prière est plus lourde... Le marchand
saisit alors deux mandarines et les pose dans son plateau. Non, la prière
est quand même plus lourde...
– Oh, oh, je ne pensais pas qu'une prière soit si lourde !
Il met alors avec les mandarines, du pain d'épices, et une brioche...
Non, la prière est quand même plus lourde... Les autres clients
se sont approchés pour mieux voir. Le marchand ne rit plus, attrapant
des friandises, puis des jouets qui lui tombent sous la main, il les jette plutôt
qu'il ne les pose dans le plateau de sa balance... Non, la prière est
quand même plus lourde... De plus en plus gêné, le marchand
attrape des choses lourdes, c'est une bûche de Noël, et ce gros saucisson
qu'il ajoute dans le plateau déjà bien plein... Non, la prière
est quand même plus lourde... Le marchand ne rit plus du tout. Il remplit
le plateau de marchandises jusqu'à ce que celui-ci déborde... Non,
la prière est encore plus lourde... Alors, ne pouvant plus rien ajouter,
il verse le contenu de son plateau dans le couffin d'Anna.
Lorsque Anna, le cœur rempli de reconnaissance et de joie, s'en est retournée
chez elle, le gros marchand perplexe a retourné sa balance. Il a vu alors
que dans le mécanisme était venue se coincer une grosse carotte.
Il aurait pu mettre cinquante kilos sur son plateau, la balance n'aurait pas
bougé.
Chers petits amis, la carotte coincée c'est ... une explication. L'autre
explication c'est:
"Invoque-moi au jour de la détresse, je te délivrerai." (Psaume
50. 15)
|